A la suite des décès de mes deux fils, voici la lettre ouverte que j’ai envoyé aux politiques Calédoniens, ministres Français jusqu’au président de la république.
Quelques uns m’ont répondu avec une lettre type pour me dire toute leur sympathie et leur incapacité à réagir sur une décision de justice.
La lettre:
M. BOUJU Rémi
Nouméa, le 1er septembre 2010
Madame, Monsieur,
Vous n’êtes certainement pas sans savoir que je mène une action contre la délinquance routière en Nouvelle‐Calédonie via notre site www.drnc.fr et ce depuis la mort tragique de mon fils cadet Julien, survenue dans un drame routier provoqué par l’attitude criminelle du conducteur du véhicule qui avait pris le volant sans permis, alcoolisé et cannabisé. Julien est décédé des suites de ses brûlures (95% du corps) et a survécu quelques heures dans d’insoutenables souffrances après avoir été extirpé de la carcasse du véhicule en feu.
Conséquence directe de ce drame, mon fils ainé vient de commettre un geste tragique en se donnant la mort : il n’a pas supporté d’une part que son petit frère ait pu mourir ainsi, abandonné lâchement par le conducteur qui ne lui a prêté aucune assistance et s’est même enfui du lieu du drame sans même avoir prévenu les secours et surtout ayant subit la pire des morts imaginables : des témoins l’ont entendu hurler à plus de 200 mètres des lieux du crash.
D’autre part, il n’a pas non plus supporté de devoir vivre en continuant de croiser dans les rues le conducteur du véhicule, qui roule actuellement toujours sans permis alors qu’il a été reconnu coupable et condamné à 8 mois de prison (peine qu’il n’a toujours pas purgé (et le procureur avait demandé 3 ans de prison à l’origine)). La sentence était déjà honteusement légère, mais en plus elle n’est même pas appliquée : un criminel routier continue en toute impunité d’arpenter nos routes, sans permis, au risque de faire d’autres victimes.
Ainsi, rongé par la tristesse et par la haine, par le désir sans cesse refoulé de vouloir tuer le responsable de la mort de son frère, il a fini par retourner ses violents sentiments contre lui. Car jusqu’au bout, il a voulu rester un homme bon et honnête et ne pas vouloir faire le mal : la facilité aurait été de faire justice lui‐même, ce qu’il n’a pas fait.
Aujourd’hui, et c’est l’objet de cette lettre, je vous interpelle publiquement afin que chacune des personnes en charge de quelque responsabilité envers ses concitoyens fasse enfin quelque chose pour que de tels drames ne se reproduisent plus.
Il est temps que chacun d’entre vous, responsable politique ou autorité publique, qui avez entre vos mains l’avenir de notre société et celles de nos enfants, d’enfin faire preuve de grandeur, de ne pas vous cantonner à vivoter votre carrière sans faire de vagues : il est temps de prendre les mesures nécessaires, de prendre les décisions courageuses qui s’imposent, de ne pas se soucier de savoir si l’on sera ou non impopulaire : il est temps de ne plus accepter que nos routes soient le tombeau de notre jeunesse.
Nos concitoyens et moi‐même n’acceptons plus que les routes de la Nouvelle‐Calédonie soient une véritable roulette russe et qu’à chaque sortie on puisse risquer si grandement sa vie. Les 6 450 signatures de nos citoyens ne sont elles pas assez suffisantes à vos yeux pour réagir ? Faut‐il qu’un drame similaire arrive à l’un de vos proches pour que vous réagissiez enfin ? QU’ATTENDEZ‐VOUS ?
Nous demandons que la répression sur les routes soit effective et soit appliquée aux lieux réellement dangereux : pointer un radar dans une ligne droite en pleine journée n’a aucun intérêt alors que l’on ne voit personne contrôler les jeunes du côté de l’Anse Vata ou de la Baie des Citrons le samedi soir.
Nous demandons que la justice applique pleinement les lois : comment peut‐on distribuer des peines « placebo » à des conducteurs qui ne manqueront pas de recommencer dès la sortie du tribunal ? Alors qu’il a été prouvé, notamment grâce aux pays anglo‐saxons que seule une répression sévère sur les routes fait changer les comportements. On encourt 10 ans de prison en Australie pour les mêmes faits qui ont conduit à la mort de mon fils, ici le conducteur n’a écopé que de quelques mois de prison et il n’a toujours pas été incarcéré !
Nous demandons qu’une cellule spéciale comprenant des psychologues, conseillers juridiques, … soit mise en place pour accompagner les familles de victimes qui à l’heure actuelle sont livrées à elle‐même. Si nous avions été pris en charge et accompagnés dès le début, mon fils aîné ne se serait peut‐être pas donné la mort. Et ce n’est pas le rôle d’associations privées de se charger de cela.
Nous demandons qu’une unité spéciale soit créée pour constater les accidents graves ayant entrainé des blessures graves ou la mort afin que des données précises quant à la vitesse du véhicule et les circonstances précises et incontestables de l’accident soient transmises aux autorités judiciaires . Dans le cas de mon fils, seul le témoignage du conducteur (qui bien entendu fait tout pour minimiser les faits) sur la vitesse du véhicule a été retenu. Ce n’est pas acceptable, surtout au vu des moyens et formations existantes : du personnel formé et habilité doit désormais faire ces constations in situ.
Ces demandes sont très loin d’être irréalistes : nous savons tous que la seule volonté de faire changer les choses produira des effets alors n’attendez plus et AGISSEZ ENFIN. Les citoyens vous regardent et s’attendent cette fois (et, espérons‐le, non pas naïvement) à ne pas être déçus par les responsables car à chaque fois que vous trahissez leurs attentes, vous décrédibilisez et fragilisez un peu plus notre société.
En vous remerciant par avance de faire tout le nécessaire en votre pouvoir.
Mr BOUJU Rémi